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Comment ouvrir une librairie ?

L’essor du e-commerce et l’apparition des livres numériques ont fait basculer le paysage de la culture, et notamment le marché du livre traditionnel. Notre mode de vie est aujourd’hui hautement numérisé et dominé par la technologie. Cette évolution technologique et numérique a conduit les librairies à repenser leur positionnement. De plus, avec le temps, les hypermarchés ont intégré des espaces dédiés aux magazines et aux livres dans leurs rayons, ce qui vient aussi concurrencer les librairies traditionnelles.

Pour autant, les indicateurs du marché du livre sont au vert : le chiffre d’affaires des maisons d’édition et le nombre de livres vendus sont en hausse. En France, les librairies réalisent 22% des ventes et emploient plus de 10 000 salariés. Quelles sont les perspectives pour tout nouvel arrivant sur le marché du livre ? Hormis leur passion pour la littérature, quelles qualités doivent avoir les futurs libraires ? Quelles sont les formations et les possibilités de chiffre d’affaires ? Retrouvez quelques éléments de réponse dans cet article.

Les qualités d’un bon libraire

La toute première qualité d’un bon libraire est d’avoir un excellent relationnel et de bonnes aptitudes à communiquer. En effet, le libraire est amené à communiquer constamment avec la clientèle pour conseiller et orienter. De plus, il doit régulièrement participer à des salons ou des conférences pour accroître son réseau d’éditeurs et d’auteurs et ainsi faire connaître sa librairie. Le libraire doit aussi toucher à l’événementiel : il pourra être amené à organiser ou co-organiser des événements littéraires tels que les salons ou les remises de prix.

Le libraire doit bien évidemment être au fait de l’actualité littéraire. Il doit avoir de solides connaissances, notamment par rapport aux livres qu’il commercialise. Sa culture littéraire doit sans cesse être élargie afin de conseiller au mieux ses clients. Cela veut dire que le libraire doit consacrer du temps à la lecture d’ouvrages faisant l’actualité, parfois au détriment de la lecture qui le passionne sur le plan personnel. Le libraire doit également posséder une bonne aisance rédactionnelle, car il peut se retrouver à commenter les sorties littéraires ainsi que des notes pour le “coup de coeur du libraire”, qui permet d’attiser la curiosité des lecteurs.

Le libraire est aussi un gestionnaire. Il doit savoir tenir sa caisse, gérer ses stocks, s’occuper des ressources humaines mais aussi des circuits de vente de ses produits. Il doit maintenir sa comptabilité à jour. Il doit aussi être minutieux dans le pointage et l’archivage de ses documents. Le libraire doit pouvoir anticiper quelles seront les meilleures ventes pour s’approvisionner en temps et en heure et ainsi éviter d’être à court de best-sellers.

Finalement, le libraire doit être organisé. Il doit savoir présenter ses produits dans les rayons de sa librairie de manière à attirer et encourager la clientèle a suivre un parcours tout au long de la librairie et explorer un maximum de sections. La vitrine de la librairie doit être attrayante. A travers une décoration appropriée, le libraire doit pouvoir projeter une image relaxante et chaleureuse, incitative à la lecture.

Les formations reconnues

La profession de libraire n’exige pas de formation obligatoire. Cependant, il existe des formations reconnues en France telles que BTS technicien du livre, DUT métier du livre, CAP librairie-papeterie, les licences en lettres avec option librairie obtenues des universités, ainsi que les formations continues, en alternance et en reconversion professionnelle proposées par l’Institut National de la Formation à la Librairie. Pour des formations de courte durée et adressées aux libraires novices ou confirmés, il est possible de se tourner vers le Syndicat de la librairie française.

Le fonctionnement du marché

Il est important que le futur libraire comprenne comment fonctionne le marché du livre et qu’il identifie les acteurs essentiels de la chaîne.

  • Les agents : ce sont les intermédiaires qui négocient les contrats pour les auteurs
  • Les auteurs, illustrateurs et traducteurs : ils perçoivent des droits compris entre 5% et 20% du prix de vente
  • Les éditeurs : il arrive qu’ils sous-traitent la production du livre à des tiers tels que les diffuseurs, les distributeurs ou les imprimeurs, et perçoivent en moyenne 50% du prix de vente
  • Les différents points de vente : les sites internet, les centres culturels, les librairies, les maisons de presse, qui peuvent toucher jusqu’à 35% du prix de vente
  • L’État : il fixe la Taxe sur la Valeur Ajoutée (5.5%)

Les aides financières disponibles

L’ouverture d’une librairie sous forme d’entreprise peut se faire avec ou sans apport personnel en capital. Il y a différentes aides qui sont accessibles pour compléter l’apport personnel :

  • L’Association pour le Développement de la Librairie de Création (ADELC) : cet organisme fournit des apports en compte courant avec un taux zéro et remboursables sur un maximum de huit ans, en échange d’actions ou de parts sociales (minimum de 5%). Cette aide permet d’étaler le remboursement lié à l’acquisition d’un fonds de commerce situé dans un centre urbain.
  • Le Centre National du Livre (CNL) fournit des prêts à taux zéro et des subventions pour aider à la création, la reprise ou l’extension d’une librairie indépendante
  • L’Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles (IFCIC) peut aider à garantir un prêt à hauteur de 50%. Pour des prêts dont le montant est inférieur à 150 000 euros, la garantie peut atteindre 70% du montant du prêt.
  • La Bourse jeune libraire, qui est accordée annuellement par la Fondation Jean-Luc Lagardère pour un montant de 30 000 euros, et qui reconnaît soit une librairie nouvellement créée, soit une librairie qui sera créée dans le futur.
  • Des aides sont également disponibles selon les Directions régionales des affaires culturelles.

Les réglementations

La profession de libraire est régie par quelques réglementations :

  • Selon la Loi Lang de 1981, un prix unique est fixé pour les livres, et la réduction maximale qui peut être appliquée est de 5%. Grâce à cette loi, il n’y a pas de concurrence basée sur les prix dans le secteur. La loi stipule que le livre doit indiquer le prix de vente et être équipé d’un code-barres. La réduction ne s’applique pas pour la livraison à domicile.
  • Selon l’Article 278 bis du code général des impôts, le taux de TVA applicable est de 5,5% pour les livres imprimés ayant un contenu de rédaction suffisant et contenant un vrai apport éditorial.
  • Les librairies ne sont pas soumises, de manière exceptionnelle, aux règles de délais de paiement en ce qu’il s’agit des fournisseurs. Elles peuvent donc décider des délais en concertation avec leurs éditeurs (généralement entre 90 et 100 jours).
  • Les librairies indépendantes ont la possibilité d’être exonérées de la contribution économique territoriale (CET).
  • Le label de Librairie Indépendante de Référence (LiR) accordé par le Ministère de la culture permet au libraire de bénéficier de certains avantages tels que les subventions par le CNL, l’exonération de la CET, et de meilleurs contrats auprès de certains fournisseurs.

Les statuts juridiques conseillés

Bien qu’une librairie puisse être ouverte sous n’importe quel statut juridique, certains statuts ne sont pas recommandés de par le niveau de trésorerie et des investissements nécessaires pour l’activité de libraire. Il est recommandé de faire appel à un professionnel pour obtenir conseil sur la forme juridique la plus appropriée pour lancer son activité de libraire.

Le statut de la micro-entreprise offre l’avantage d’être simple à lancer. En revanche, le statut impose un plafond maximal de chiffre d’affaires, qui risque d’être vite atteint avec l’activité de libraire. La forme de la micro-entreprise réduit la rentabilité et est déconseillée pour opérer une librairie.

L’entreprise individuelle (EI) est aussi une forme d’entreprise facile à créer, mais ayant des désavantages tels que la non-protection du patrimoine et l’alourdissement de la trésorerie à la création d’entreprise du fait que les charges sociales sont payables dès la création. L’entreprise individuelle est très peu utilisée pour lancer de grands projets.

Le statut de société (Société par Actions Simplifiée ou SAS, et la Société à Responsabilité Limitée ou SARL) offre l’avantage de donner une image sérieuse auprès des investisseurs et de limiter la responsabilité personnelle des associés. Un des inconvénients de ce statut est que les formalités de création sont relativement lourdes.

Les étapes pour se lancer

L’étude du marché

C’est une étape essentielle, qui consiste à identifier la concurrence, établir son positionnement, et définir son seuil de rentabilité. Dans cette étape, il faut pouvoir distinguer la part de marché captée par les nouvelles technologies et qui peuvent faire disparaître le libraire dans la chaîne économique. Le but est d’arriver à se positionner par rapport aux offres existantes.

Établir un concept

Suite à l’étude de marché, on peut déterminer un concept qui permet de se différencier par rapport à ses concurrents. On peut lancer une librairie salon de thé, une librairie pour jeunes, une librairie de livres anciens et rares, ou encore une librairie de livres d’occasion. Choisir son concept peut aider au choix de l’emplacement et au type de clientèle visée. Par ailleurs, l’emplacement doit tenir compte de commerces complémentaires ou rivaux dans les environs.

Rédiger un business plan

Autre étape cruciale, qui consiste à écrire un plan de développement à court terme et à long terme avec des objectifs et des échéances. Le business plan inclut également le plan financier, dont les investissements et les subventions recherchés. Le business plan est le document par excellence exigé par les institutions financières pour évaluer le sérieux du projet professionnel avant l’octroi de prêts.

Créer son entreprise

Une fois la forme juridique choisie et le nom déposé au registre du commerce et des sociétés, il faut enregistrer les statuts de la société. Dans la foulée, il faudra créer un compte bancaire dédié, pour bien distinguer ses comptes personnels de ceux de l’activité professionnelle. L’obtention d’un numéro TVA est également nécessaire. Si le libraire souhaite vendre de la presse, il lui faut la mention “autorisation pour la vente d’articles de presse”.

Demander des subventions

Le futur libraire peut contacter les organismes dédiés, vérifier les conditions d’éligibilité aux différentes aides disponibles et remplir les dossiers pour obtenir une subvention qui lui permettra de lancer sa librairie.

Obtenir un local

Le choix du local est une étape importante. Il faut prendre en compte l’environnement de la future librairie, notamment les types de commerces avoisinants, la présence de centres culturels et d’écoles dans les environs.

Créer son réseau

Le futur libraire devra apprendre la négociation de contrats et développer son réseau. Il peut intégrer des associations professionnelles ou adhérer au Syndicat de la librairie française. Le futur libraire aura à prendre contact avec des maisons d’édition ou de distribution pour préparer ses stocks.

Souscrire un contrat d’assurance

L’établissement d’un contrat d’assurance spécifique pour les librairies est incontournable, la multirisque entreprise est de loin l’offre la plus adaptée. Les banques et les assurances sont familières avec ces types de contrats. Nous vous suggérons de lire notre article sur les différentes assurances entreprises pour vous guider dans votre choix.

Établir un plan de communication

Le plan de communication pour le lancement de la librairie peut inclure des items tels qu’une inauguration, une rencontre avec des auteurs, un salon du livre, ou encore des ateliers d’écriture. Ces événements peuvent d’ailleurs devenir récurrents et servir à varier la communication avec son public cible. La création d’un site internet et une présence régulière sur les réseaux sociaux permettront au futur libraire de se connecter davantage avec ses clients et de maintenir le lien.

Reprendre une librairie

La reprise d’un commerce existant requiert de suivre différentes étapes. Si le futur libraire souhaite prendre un commerce déjà en activité, il peut recourir au Syndicat de la Librairie française, qui a la liste des offres dans toute la France. Une fois la librairie trouvée, il faudra faire évaluer le local ainsi que les équipements et vérifier leur adaptabilité. Le droit au bail doit être vérifié.

A noter que lors d’une cession de fonds de commerce, le bail commercial revient au repreneur de plein droit. Il faudra prêter attention à la situation géographique du commerce ainsi qu’au type de population aux alentours. Le repreneur doit faire un bilan au niveau des ressources humaines, notamment pour les postes à pourvoir. Une étude de la situation comptable de la librairie doit aussi être entreprise. Il peut être nécessaire d’avoir recours à des subventions pour relancer la librairie. Finalement, il faudra repenser la stratégie commerciale de la librairie ainsi que son évolution.

La rentabilité d’une librairie

Une librairie demande de mobiliser une importante trésorerie, étant donné qu’il faut un stock initial de livres. Bien que la marge soit d’environ 35% pour les librairies, il faut que cela couvre les impôts, les salaires, les cotisations sociales, et les charges du local. Pour être rentable, il faut donc réaliser un gros chiffre d’affaires. Il est important de noter que les ventes d’une librairie sont soumises à la saisonnalité : les ventes sont plus importantes pendant la période des fêtes de fin d’année et à la rentrée scolaire.

Ouvrir une librairie demande un apport financier pour le mobilier, les stocks de démarrage, le matériel informatique, les frais de création (formalités auprès du RCS, rédaction des statuts), les charges d’exploitation, et la masse salariale (salaires et cotisations sociales).

Le salaire d’un libraire est variable et dépend du volume de ventes. Un libraire indépendant venant de lancer son activité peut toucher un salaire net de 2000 euros. Le libraire d’un magasin important dans une région universitaire peut être payé jusqu’à 4000 euros.

Le libraire peut choisir de ne pas toucher de rémunération lors du démarrage de l’activité professionnelle, en fonction du statut juridique choisi. Il peut aussi se verser un petit salaire de façon à bénéficier d’une couverture sociale au titre des “assimilés-salariés” du régime général de la sécurité sociale.

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